Rencontre avec Samir AMIN, professeur d’économie politique, Universités de Dakar, Poitier et Paris, Directeur du Forum du Tiers-monde et président du Forum mondial des alternatives qui était intervenant lors d’un Midi de la CNAPD.

Qui êtes-vous ?

Je suis égyptien. Je suis à l’origine économiste, auteur de plusieurs ouvrages mais depuis ma retraite, mes fonctions principales sont Directeur du Forum du Tiers Monde et président du Forum Mondial des Alternatives.

Dans un article sur le Forum du tiers monde, vous parlez d’un printemps arabe pour les pays du sud face à un automne du capitalisme pour les pays du nord. Cela signifie-t-il que, pour vous, les mouvements qui ont lieu aujourd’hui au sud signifient la fin du monde capitaliste que nous connaissons en Occident ?

Non, et d’abord je mets un point d’interrogation à « printemps arabes ». Le terme a été repris par d’autres un peu trop vite. Il y a ce que l’on a vu se développer dans les pays arabes, mais ce qu’il y a ailleurs également, c’est-à-dire des mouvements de révolte et de protestation gigantesques contre le capitalisme néolibéral des monopoles généralisés. Même si la conscience de l’origine des problèmes n’est pas toujours très claire chez les acteurs de ces mouvements qui sont potentiellement capables de produire des avancées révolutionnaires. Potentiellement. Mais elles ne se sont pas produites jusqu’à présent. Cette révolte généralisée n’est pas exclusive au peuple du sud. On voit maintenant la protestation se développer dans le nord parce que ce système de capitalisme contemporain des monopoles généralisés implose à l’heure actuelle. De ce fait, on peut dire que cette implosion est l’automne du capitalisme, j’appuie sur ce terme « automne ». Est-ce que l’automne du capitalisme et le printemps des peuples coïncideront ? Deviendront-ils l’envers et l’endroit de la même médaille ? Ce devrait être l’objectif de la radicalisation des mouvements de protestation populaire tant au Nord qu’au Sud pour permettre d’assurer cette coïncidence. Jusqu’à présent il n’y a pas coïncidence.

Face à ces événements, quels sont les défis de l’UE ?

Pour ma part, et depuis ses origines, j’ai toujours considéré que l’UE a été construite d’une façon systématique, en béton armé, pour enfermer les peuples européens dans le capitalisme des monopoles généralisés, ce que l’on appelle le néolibéralisme et interdire toute alternative à cette voie unique et exclusive. Et de ce fait, j’ai toujours considéré que le projet européen était un projet réactionnaire, bien que l’idée de rapprochement entre les peuples européens de par elle-même soit une très belle idée, mais c’est une idée abstraite. Dans la réalité, les institutions européennes telles qu’elles ont été mises en place, telles qu’on les voit fonctionner, ont été mises en place pour déposséder les peuples européens des instruments de la démocratie et substituer à cette dernière, une dictature unilatérale du capital. Dans ces conditions, l’institution européenne, le projet européen appelé « Union européenne », n’a pas d’avenir.

Peut-on alors penser que ces mouvements effraient l’UE ?

Bien entendu. L’UE est totalement alignée, notamment à travers l’OTAN, sur le patron du système, le leader du système lui-même confronté par ailleurs à des problèmes graves, que sont les États-Unis. Je dis toujours « les États-Unis et les alliés subalternes européens ».

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