Paix en IPPJ – Débattre de la violence.Parler d’extrémismes violents avec les jeunes est nécessaire. Évidence. Depuis 2017 déjà, à l’invitation du CREA[1], la CNAPD travaille avec SAVE Belgium[2] dans le cadre réputé difficile des IPPJ. Expériences humaines formidables et difficiles, ces animations sont d’abord des rencontres ouvertes autour des récits de vie Rien à faire, rien à perdre construits selon la méthodologie de sociologie clinique utilisée par Isabelle Seret. Autour du témoignage de Saliha Ben Ali aussi. Sans doute ces échanges sincères contribuent-ils à cultiver la paix et la démocratie ?Pour le commun des mortels, nous allions en prison. Nous écrivons cela, mortels communs, sans condescendance tant notre première visite était teintée d’une appréhension semblable. Il faut dire qu’on sait peu de choses sur le rôle essentiel de ces institutions publiques de protection de la jeunesse, les IPPJ. Il échoit souvent au chroniqueur judiciaire de les citer de façon sinistre dans les colonnes judiciaires des canards. Comme chaque citoyen affairé à défendre et construire sa vie, nous préférons sans doute ne pas trop regarder qui a été jeté sous le tapis de la production sociale de la violence. Mais détourner les yeux de ce qui relève d’une part moins lumineuse de notre humanité nourrit certainement la névrose et détourne d’un chemin politique pour la paix et la démocratie. Bref, au diable les œillères !Invités, nous avons rencontré des êtres humains, des groupes de jeunes souvent chaleureux, accueillants, diserts.Nous n’étions pas là pour parler de leur casier, un fardeau parfois déjà fort lourd incontestablement. Certains ont commis des délits, l’un ou l’autre, un crime peut-être. D’autres sont placés en section ouverte d’accueil pour faire le point ou bénéficier d’une protection contre une menace quelconque. En d’autres lieux ou d’autres époques, on comptait bien sûr moins de bienveillance pour aider des jeunes à trouver une voie. Il reste que le monde de l’IPPJ paraît dur. L’initiative du CREA a dû fournir des gages sérieux pour organiser ces rencontres. Il était tout de même question d’extrémismes violents et des grosses charrettes conceptuelles que ces thématiques trainent inévitablement, radicalismes et terrorisme notamment. Bref, parler de violence politique ou convictionnelle avec des jeunes qui se frottent de près à la violence chaude. Rien que ça.Esprits ouverts en sections ferméesOn s’appesantirait bien sur l’effet qu’a occasionné sur nous l’expérience de l’enfermement, les barreaux, les grillages, les verrous, les talkies qui grésillent constamment. Les sections fermées renvoient brusquement à une réalité violente. Particulièrement, quand le juge de la jeunesse s’est dessaisi du dossier du jeune et le condamne à la dureté réservée aux adultes, l’antichambre de la prison, le point aveugle de notre impuissance.Nous préférons mettre en évidence les éducateurs souriants, à la poigne ferme et souple, des coordinateurs engagés, animés de bienveillance déterminée que nous avons pu cueillir et palper. Nous préférons témoigner de l’humour de ces jeunes qui se cherchent un chemin. Nous avons entendu des idées critiques, parfois radicales, des envies de croire, des valeurs. Beaucoup que nous partageons. D’autres moins et même, rarement, beaucoup moins. Mais nous avons aussi ressenti que la discussion ouverte repoussait la violence. Ça, c’est essentiel.Les témoignages RAFRAP[3] de Mansour, de Eric, de Marie ou de Nabila et Saliha, les Mamans – les irremplaçables Mamans – ou Aziz le Papa, recueillaient chez les pensionnaires IPPJ de l’attention, avivaient leur compétence à l’empathie. L’émotion était palpable, plusieurs yeux tristes. Mais, souvent, la rationalité dynamique des échanges n’autorisait pas qu’elle s’empêtre dans le larmoiement ou la victimisation. En effet, les récits de vie sont construits par les témoins : l’histoire est belle de résilience, elle autorise la reconstruction, elle encourage à un avenir. Nous avons alors pu entendre des projets, des idées, du nerf, du bon sens, de la détermination à exister. Pas chez tous, pas toujours, pas de miracle. Mais de la construction collective d’échanges humains. Très humains.En tout cas, nous, on rempile volontiers ! 
Retissons du lien !

Dans son esprit magnifique de la réparation, celui de la justice restauratrice, le groupe ‘Retissons du lien’ construit inlassablement du lien, il vit et partage l’espérance. On se souvient ici que Sandrine ou Saliha nous disaient que leurs échanges et témoignages se voulaient éminemment politiques. En substance : ‘En avant, société, regarde et affronte tes démons, bouge-toi, bosse à la paix, rencontre, partage, construit, aime ! Potferdeke.’ La CNAPD a la grande chance d’être invitée à coopérer et à partager des synergies essentielles avec toutes ces personnes qui font quelque chose de beau de la complexité vivante. En IPPJ, c’est cet esprit qu’on tente de cultiver. Voyez donc ce film de Françoise Wallemacq et Chergui Kharroubi : Au-delà de nos larmes.


 

Thibault Zaleski

 [1] Le Centre de ressources et d’appui du Réseau de prise en charge des extrémismes et des radicalismes violents de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Je vais voir ce qui se cache derrière ce machin.[2] L’association créée par Saliha Ben Ali, la maman de Sabri, se visite .[3] Pour une présentation générale du projet de capsules Rien à faire, rien à perdre, un p’tit tour par ici sur le site du Délégué général aux Droits de l’enfant. Ceci est l’actualisation le 19 avril 2023 d’un article paru le 9 novembre 2018.

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