Courrier du RAIAL adressé au Ministre-Président de la Région wallonne, aux Vice-Présidents de la Région wallonne, Aux Députés du Parlement wallon, Aux Présidents et Co-Présidents des partis politiques, concernant l’avis du Conseil d’État sur l’avant-projet de décret relatif à l’importation, à l’exportation, au transit et au transfert de produits liés à la défense

Bruxelles, le 25 avril 2012 Réseau d’Action International sur les Armes Légères – Belgique francophone C/O CNAPD 51, chaussée d’Haecht 1210 Bruxelles

Concerne : le point de vue des associations et organisations membres du RAIAL concernant l’avis du Conseil d’État sur l’avant-projet de décret relatif à l’importation, à l’exportation, au transit et au transfert de produits liés à la défense. (Copies adressées aux Présidents et Co-Présidents des partis politiques)

Monsieur le Ministre-Président de la Région wallonne, Messieurs les Vice-Présidents de la Région wallonne, Mesdames et Messieurs les Députés Wallons,

Les associations et organisations membres du RAIAL ont pris connaissance du contenu de l’avis 50.951/4 du Conseil d’État mentionné en objet et rendu le 14 mars 2012.

Elles constatent de manière générale que l’avis du Conseil d’État s’inscrit dans leur volonté d’encadrer de manière précise, prévisible et objective l’action et les prérogatives du pouvoir exécutif en matière de transfert d’armes. Elles constatent par ailleurs que l’avis rencontre largement les remarques formulées par le RAIAL tout au long du processus de révision de la procédure d’octroi des licences d’armes, en particulier : l’importance de définir l’objectif et le champ d’application de l’avant-projet de décret ; une définition claire des concepts conformément à la législation européenne en vigueur; la prise en compte de l’ensemble des critères de la Position commune 2008/944/PESC du Conseil de l’Union européenne, du 8 décembre 2008, définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires et – à tout le moins – une référence explicite à la position commune européenne dans le futur décret wallon ; la nécessité de considérer les licences prévues par le futur décret comme des actes administratifs au sens et pour l’application du décret du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’administration et de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs.

L’avis du Conseil d’État doit permettre d’améliorer le processus législatif et le respect de l’Etat de droit. Les éléments légaux qu’il avance donnent ce faisant l’occasion de réaffirmer quelques éléments qui nous importent. Ces points nous semblent en effet particulièrement pertinents pour assurer un contrôle rigoureux des actes relevant de la compétence du Gouvernement wallon en matière de transfert d’armes.

Premièrement, nous souscrivons pleinement aux remarques formulées par le Conseil d’État sur le champ d’application de l’avant-projet de décret (observations relatives aux articles 1er et 3 du texte). L’intitulé et l’article 3 de ce dernier font explicitement référence aux « produits liés à la défense », alors que l’article 1er, 1°, mentionne également la transposition de la directive 91/477/CEE du Conseil européen du 18 juin 1991 relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes qui n’inclut principalement que les armes à usages civil. L’avis du Conseil d’État confirme l’importance de cette clarification. La transposition de la directive 91/477/CEE devrait faire l’objet d’un chapitre distinct de celui portant sur les transferts de produits liés à la défense (moyennant toutefois modification de l’intitulé et de l’article 3).

Deuxièmement, nous souhaitons que le Gouvernement prenne la pleine mesure des commentaires émis par le Conseil d’État sur les dispositions relatives à la Commission d’avis (art. 4-6). Le Conseil d’État rappelle en effet qu’un organe de consultation ne peut être réglé par le législateur que si le processus de consultation en question est obligatoire. Il souligne par ailleurs que les garanties d’indépendance prévues par l’avant-projet de décret sont insuffisantes. Dans ce cadre, il serait hautement souhaitable de rendre la consultation de la Commission d’avis obligatoire – quitte à moduler les modalités de cette consultation en fonction des différentes catégories possibles de demandes. Ainsi que le suggère le Conseil d’État, la volonté du Gouvernement d’assurer l’indépendance et l’impartialité de la Commission n’aura de sens concret que si elle fait l’objet de garanties concrètes dans le texte.

Troisièmement, les procédures d’octroi des autorisations de transfert de produits liés à la défense doivent être clarifiées, et ce tant pour garantir la sécurité juridique du décret que pour veiller à ce que les obligations légales – nationales et internationales – incombant à la Belgique soient correctement mises en oeuvre. Les observations du Conseil d’Etat relatives aux articles 7, 10, 11 et 12 de l’avant-projet de décret sont révélatrices à cet égard. Le Conseil d’État insiste tout particulièrement sur l’importance de mentionner la Position commune de l’Union européenne de 2008 ainsi que d’assurer le plein respect de ses critères d’évaluation en matière de transfert d’armes, parmi lesquels le respect du droit international humanitaire.

Quatrièmement, nous souhaitons attirer l’attention du Gouvernement sur les observations du Conseil d’État relatives aux articles 24 et 27 de l’avant-projet de décret sur la publicité et la motivation des actes administratifs que constituent également les licences prévues par le futur décret. Ces articles sont particulièrement importants car leur formulation actuelle compromet gravement l’applicabilité de l’avant-projet de décret : à quoi servirait-il de mettre en place une procédure et des critères de transferts d’armes si leur examen public est impossible ? A cet égard, le Conseil d’Etat rappelle que l’octroi d’une licence constitue un acte administratif émanant du Gouvernement wallon, qui ne peut échapper à la publicité au risque de porter atteinte à l’article 32 de la Constitution consacrant le droit pour tout citoyen de consulter chaque document administratif, sauf dans les cas et conditions fixés par le décret, en l’occurrence le décret de la Région wallonne du 30 mars 1995 relatif à la publicité de l’administration. De plus, les licences, comme tout acte administratif, doivent être motivées et ne peuvent échapper au champ d’application de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs. La justification des actes administratifs permet aux juridictions de vérifier leur conformité à la loi, celles-ci ne pouvant appliquer les actes administratifs que s’ils sont légaux selon l’article 159 de la Constitution.

Dans cette même logique, il nous apparait primordial de préciser à l’article 27 de l’avant-projet de décret, lequel concerne le rapport du Gouvernement wallon au Parlement wallon, qu’outre le listage des pays pour lesquels la licence a été refusée, les types d’armes refusées soient également spécifiés ainsi que l’invocation d’un ou plusieurs des critères ayant entrainé un refus de licence. Ces éléments permettraient en effet d’améliorer la compréhension de la politique gouvernementale wallonne en matière de commerce extérieur des armes, du respect des obligations internationales de la Belgique, en même temps qu’elle permettrait un contrôle efficace par le Parlement des activités du gouvernement dans ce domaine, et ce dans un souci démocratique.

Enfin, nous souscrivons à la remarque du Conseil d’Etat sur l’article 16 de l’avant-projet de décret, pointant la difficulté d’appliquer la procédure accélérée en l’absence de définition de celle-ci. Il est à tout le moins donc important d’en définir les règles dans le texte afin d’assurer davantage de transparence dans les transferts d’armes. A défaut d’une telle définition, le maintien de la procédure accélérée ne serait plus pertinent. Le futur décret devrait alors prévoir une procédure ordinaire unique d’octroi de licences d’exportation et de transfert, quel que soit le pays destinataire.

Nous restons à votre entière disposition pour parfaire avec vous ce projet de décret et vous réaffirmons notre soutien dans cette entreprise nécessaire. Dans cet esprit, nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre-Président de la Région wallonne, Messieurs les Vice-Présidents de la Région wallonne, Mesdames et Messieurs les Députés Wallons, en nos salutations les plus respectueuses.

Amnesty International – Belgique Francophone Croix-Rouge de Belgique – Communauté française CNAPD (Coordination nationale d’action pour la paix et la démocratie) Commission Justice et Paix GRIP (Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité) LDH (Ligue des droits de l’Homme) MIR-IRG Pax Christi Wallonie-Bruxelles

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