L’UE veut sanctionner l’Iran pour l’inciter à négocier sur son programme nucléaire. Pourtant aucun traitement de ce type pour Israël qui affiche publiquement le développement de son arsenal nucléaire. Dans 5 pays européens, dont la Belgique, pourtant signataire du TNP, sont entreposées des armes nucléaires américaines. Comment laisser ouverte la voie à la résolution diplomatique avec l’Iran ? Comment la Belgique justifie cette justice à deux vitesses ?

 Les Ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne ont convenu ce lundi 23 janvier de cesser les importations de pétrole iranien vers l’Union européenne ; en plus d’autres sanctions notamment contre la banque centrale iranienne. L’objectif déclaré de cet « embargo » est d’inciter l’Iran à s’asseoir à la table des négociations concernant son programme nucléaire. Il est pourtant tout sauf évident qu’une escalade aux sanctions et aux pressions poussera l’Iran – son Gouvernement actuel ou un quelconque autre gouvernement sorti des urnes au mois de mars prochain – à abandonner ses ambitions nucléaires présumées.

De telles mesures, qui exacerbent la vulnérabilité de l’autre, sont difficilement compatibles avec un processus constructif de discussion. Plus on isole un pays, plus sa politique de puissance devient importante.

Une politique occidentale du « deux poids, deux mesures » ?

Tous les pays, en effet, qui ont signé le Traité de Non-prolifération (TNP) se sont engagés à ne pas développer l’arme nucléaire et à démanteler leur arsenal existant. Les pays signataires se reconnaissent également mutuellement le droit de développer l’énergie nucléaire à des fins civiles.

Ainsi, les pays qui rappellent bruyamment à l’Iran ses engagements en matière de non-prolifération sont justement des États qui s’obstinent depuis 40 ans à ne pas tenir leurs engagements : beaucoup de rhétorique autour du désarmement nucléaire mais pas d’actes. Au contraire. A titre d’exemples, les États-Unis dépensent actuellement des milliards de dollars à la modernisation de son arsenal d’armes nucléaires. En Belgique, 20 armes nucléaires tactiques américaines sont toujours présentes, comme dans 4 autres pays européens. En Israël, le développement publiquement secret de son arsenal nucléaire ne fait étrangement pas débat.

Si les pays occidentaux veulent être crédibles dans leurs exigences vis-à-vis de l’Iran, ils doivent respecter leurs propres engagements. Peut-être dès lors, l’Union européenne devraient-elles décider de sanctions semblables contre la France, la Chine, l’Inde, la Grande-Bretagne, Israël, la Corée du Nord, le Pakistan et les États-Unis ? Et contre la Belgique qui héberge toujours des armes nucléaires, en contradiction flagrante avec le TNP ?

Vers une solution diplomatique ?

Pourquoi ne pas inverser cette logique et donner à l’Iran des garanties de sécurité pour l’entraîner à la table de négociations et leur redonner une place à l’intérieur de cette « communauté internationale » ? D’innombrables sanctions et pressions internationales sont en effet à l’œuvre. Pensons à la présence de troupes étrangères en Iraq et en Afghanistan, pays voisins de l’Iran ; pensons au projet très concret de bouclier anti-missile de l’OTAN, explicitement dirigé vers l’Iran ; pensons à Israël, un État nucléaire non reconnu ; à ces navires de guerre français, anglais et américains qui sont entrés la semaine dernière dans le détroit d’Ormuz ; au développement exponentiel des forces conventionnelles dans la région , au sabotage technique et aux assassinats du personnel scientifique iranien.

Ajouter des sanctions comme vient de le faire l’Union européenne stimulera difficilement l’Iran à assurer la publicité transparente de son programme nucléaire. Davantage de sanctions, c’est mettre les initiatives diplomatiques en danger.

Le 29 janvier prochain, aura lieu une visite « de haut niveau » de l’AIEA en Iran, à laquelle participera notamment le belge Herman Nackaerts, comme chef de la délégation. L’inspection de l’AIEA continuera elle aussi, comme l’a accepté l’Iran.

Finalement, nous devons poursuivre un seul et même objectif, sans concession : la réalisation universelle du régime de Non-prolifération – dans ses trois aspects : non-prolifération, désarmement et droit au développement de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques – et son respect par tous les signataires du Traité.

Ainsi, un pays comme Israël doit ratifier ce Traité, étape fondamentale vers une zone dénucléarisée au Moyen-Orient. Un sondage d’opinion révèle que 64% de la population israélienne est favorable à l’établissement d’une telle zone. Au dernier semestre 2012 se tiendra, en Finlande, une conférence internationale pour l’établissement d’une zone dénucléarisée dans le Moyen-Orient. Cette initiative reste étrangement absente du discours de nos représentants, comme celle du désarmement nucléaire.

La Belgique doit s’expliquer sur sa position paradoxale

Le gouvernement belge plaide pourtant dans sa Déclaration de politique générale, pour la « revitalisation et le respect du Traité de Non-prolifération ». Contre les mesures contreproductives décidées au niveau européen, nous espérons que le Gouvernement fera droit à cette déclaration pour les futures initiatives internationales, notamment en vue du désarmement nucléaire.

Nous attendons volontiers la Déclaration du Ministre des Affaires étrangères à ce sujet, lors du prochain Conseil des ministres.

Personne de contact : Samuel Legros samuel.legros@cnapd.be

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