Le sommet de la francophonie qui s’ouvre aujourd’hui à Kinshasa sera-t-il l’occasion d’une avancée dans l’encadrement des échanges économiques, condition indispensable à la résolution des conflits dans cette région? C’est la question posée par Carlos Crespo, président de la CNAPD, au ministre belge des affaires étrangères.

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Afin d’accueillir les chefs d’États et de Gouvernement, chefs de délégation et 3000 délégués pour le 14e Sommet de la francophonie, Kinshasa a fait peau neuve : des routes asphaltées jusqu’aux façades repeintes, en passant par la garantie de l’approvisionnement électrique, dont les fréquentes coupures font partie du quotidien des habitants de la capitale congolaise. Des investissements esthétiques colossaux pour un Sommet de la francophonie dont, il y a quelques jours encore, le Président Kabila menaçait l’annulation.

Participer

En effet, certains chefs d’États occidentaux, au premier rang desquels François Hollande, tergiversaient quant à leur présence au Sommet, dans un pays en proie à une guerre  » civile  » et à toutes les violences qui lui sont intrinsèques, à des déplacements massifs de population, à la systématisation internationale du pillage de ses ressources naturelles, au déni de démocratie et au non-respect de l’État de droit. C’est sur cette dernière question plus particulièrement que la présence de certains dirigeants a été questionnée, en demandant une dépolitisation de la Commission électorale congolaise ou la poursuite des assassins de Floribert Chebeya, dont l’affaire marque à elle seule les manquements graves à l’état de droit. En Belgique, la question a été réglée : Elio Di Rupo se fera représenter par son Ministre des Affaires étrangères.

Comme d’autres associations de la société civile belge, la CNAPD plaide pour que les représentants politiques participent à toute forme de dialogue diplomatique ayant pour cadre, comme l’indique la Charte de l’Organisation Internationale de la Francophonie,  » l’instauration et (le) développement de la démocratie, (…) la prévention, (…) la gestion et (le) règlement des conflits, et (le) soutien à l’État de droit et aux droits de l’Homme « . Or, ce Sommet est une occasion donnée aux interlocuteurs internationaux de mettre les pays frontaliers de la RDC devant leur responsabilité dans la guerre qui fait rage depuis trop longtemps à l’Est du pays. Responsabilité depuis longtemps épinglée par la société civile et tardivement relayée par certains Gouvernements, au rang desquels l’absence de la Belgique est déplorée. Les accords militaires de la Belgique avec le Rwanda ne sont ainsi, par exemple, par remis en cause.

Des échanges économiques justes et transparents

Plus encore, un des objectifs fixés pour ce Sommet est l’adoption d’une résolution sur la  » bonne gouvernance  » dans les industries extractives. La guerre civile qui fait rage depuis 1995 au Nord-Kivu prend pour cadre et est alimentée par la richesse minière de cette région. Davantage que la  » bonne gouvernance « , un arsenal juridique international doit être construit pour endiguer la contrebande. Une certification des minerais, au même titre que celle en vigueur sur le diamant depuis le processus de Kimberley, doit être appliquée. Des obligations de transparence doivent être arrêtées, suivant par exemple la toute fraîche loi américaine  » Dodd Frank  » obligeant les entreprises à établir si leurs produits contiennent des minerais du conflit, en soumettant leur chaîne d’approvisionnement à une diligence raisonnable (terme de droit anglo-saxon pouvant être traduit par le devoir de précaution). La lenteur avec laquelle ces procédures internationales se construisent et les obstacles institutionnels rencontrés par les associations de la société civile, notamment en Belgique et en Europe, traduisent mal les discours politiques ânonnant des objectifs de paix et de développement dans la région des Grands-Lacs. La cessation rapide des hostilités – objectif partagé, on l’imagine, par tous – ne peut être pérennisée qu’à la condition d’un encadrement juridique fort du commerce (extraction – vente – achat) des minerais. Les hésitations de certains gouvernements à participer au Sommet en RDC ne pourraient être sincères que si elles s’accompagnaient d’un travail pour des échanges économiques justes et transparents.

Dès lors, il est à espérer que le thème du 14e Sommet de la francophonie,  » Enjeux environnementaux et économiques face à la gouvernance mondiale « , certes pompeux dans un pays en proie à la guerre civile, traduise la clairvoyance de ses organisateurs dans la nécessité de saisir les questions d’ »instauration et (de) développement de la démocratie, (de) prévention, (de) gestion et (de) règlement des conflits, et (de) soutien à l’État de droit et aux droits de l’Homme « , par le dialogue diplomatique et par la construction d’un code juridique international toujours plus poussé. Reste désormais à espérer que cette clairvoyance soit partagée par Monsieur Reynders.

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