Le vendredi 26 septembre dernier, le Parlement s’est prononcé pour la participation de la Belgique à la guerre contre « Daesh » en Irak. C’est la deuxième fois (après la Libye) que le Gouvernement, chaque fois en « affaires courantes », demande au Parlement de prendre une décision ordinairement laissée à la discrétion du Premier ministre, des Ministres des Affaires étrangères et de la Défense.

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En donnant son accord pour cette nouvelle entrée en guerre de la Belgique, le Parlement a demandé à ce que cette mission soit strictement limitée dans le temps et dans l’espace (pas d’intervention en Syrie) ; et soit réévaluée un mois après le début de l’engagement belge afin d’envisager l’opportunité de son prolongement. De nombreux députés ont exprimé d’importantes réserves quant au caractère judicieux de cette réponse militaire au moment de voter contre, de s’abstenir ou de voter pour, « la mort dans l’âme ».

Il est heureux – et finalement d’une logique démocratique fondamentale – que les représentants du peuple aient pu se prononcer quant à l’utilisation des forces armées belges à l’étranger ; l’expression la plus aboutie de la politique internationale de la Belgique. D’après plusieurs sources pourtantIl semble que, cette logique serait est en passe d’être dépassée par la décision du nouveau Gouvernement de reprendre son pouvoir discrétionnaire en jugeant par lui-même de l’évolution de l’intervention en Irak. Cela vient de nous être confirmé par l’annonce du Gouvernement de prolonger la mission jusqu’à la fin de l’année avant même que l’évaluation et le débat ait lieu au Parlement. La guerre serait-elle redevenue un sujet si léger qu’elle n’exigerait plus davantage qu’une discussion en Comité ministériel restreint ? Existe-t-il si peu d’arguments opposables aux interventions militaires de la Belgique, que l’expression démocratique redeviendrait inutile ?

Les doutes et réticences exprimés par une grande partie de la Chambre au moment du vote exigent par eux-mêmes un devoir de réserve de notre Gouvernement. Particulièrement à un moment où les bruits de botte se font plus assourdissants dans la région concernée : intervention de plusieurs mois, envoi de troupes au sol, extension de la mission à la Syrie. Pour la CNAPD, ces doutes et ces réticences sont d’autant plus légitimes qu’il existe d’autres moyens pour venir en aide aux populations d’une région prise dans le cycle continu de la violence armée. Un cycle engendré par les interventions militaires américano-multilatérales successives, le ressentiment qu’elles ont créé et le peu de cas qui a été fait d’une transition politique véritablement inclusive. Sans jamais mettre les causes fondamentales du radicalisme aux devants des préoccupations politiques, la « lutte contre le terrorisme » s’attaque militairement aux conséquences du phénomène en augmentant de ce fait le ressentiment et la rancœur… et donc le phénomène qu’on entendait combattre. Depuis le début de la guerre en Afghanistan, les foyers de terrorisme se sont multipliés, alimentés par la destruction causée par les interventions militaires et nourris par les armes précédemment vendues par les mêmes acteurs de ces interventions.

Il est urgent de rompre ce cycle sans fin et des initiatives existent pour travailler à une véritable pacification sur le terrain.

La ville de Kobané dans le Kurdistan syrien résiste difficilement aux assauts de Daesh, malgré que la ville soit soutenue par des raids aériens de la coalition. En Irak, la progression du groupe djihadiste n’est pas véritablement ralentie par les bombardements occidentaux. On le sait, la campagne aérienne est inefficace face aux techniques employées par de tels groupes. Est-ce à dire que ces raids doivent être appuyés par des troupes au sol, comme en Afghanistan où 13 ans de présence militaire occidentale n’ont fait qu’aggraver tous les indices d’insécurité et plonger ce pays dans un chaos généralisé ? Ici, il est crucial de ne pas confondre protection de la population et guerre contre Daesh.

La protection de la population, en Irak et en Syrie, peut faire l’objet d’une mission d’interposition des Nations-Unies encadrée par une Résolution du Conseil de sécurité. Les règles d’engagement existent pour donner à cette mission, les capacités nécessaires à l’arrêt des violences contre les civils, tout en garantissant un cadre légal et légitime. Ce dernier commande que ce soit la Ligue arabe qui se charge de l’exécution de cette mission, en parfaite collaboration avec l’armée irakienne et l’Iran. La Belgique, elle, doit exprimer sa solidarité avec les victimes de cette guerre en allouant les budgets précédemment destinés à sa participation militaire à l’accueil des réfugiés qui fuient les violences.

La lutte contre Daesh, elle, doit avoir pour objectif de tarir les soutiens financiers, politiques et militaires du groupe djihadiste. Daesh est le groupe combattant le plus riche du monde. Ainsi, il perçoit quotidiennement un à trois millions de dollars de la vente du pétrole dont il a le contrôle. Celui-ci est essentiellement vendu à la Turquie et se retrouve aussi en Europe, comme l’a souligné la semaine dernièrerécemment Jana Hybaskova, l’ambassadrice de l’Union européenne en Irak ! Les financements et une partie de son armement proviennent en outre toujours de pays de la région qui participent à la coalition militaire. Ces pays doivent arrêter ce jeu trouble en interpellant les personnes qui, depuis leur territoire, alimentent le conflit.

L’isolement économique urgent et facilement atteignable de Daesh doit s’accompagner d’un isolement politique. Une conférence nationale inclusive doit permettre à toutes les composantes de la société irakienne d’envisager leur futur et la manière la plus harmonieuse d’organiser leur vivre-ensemble dans le pays. La sincérité de ces débats et la perspective réelle de leur aboutissement annihileront la volonté de certains groupes de porter allégeance à Daesh. Dans la même perspective, une nouvelle  » conférence de Genève  » pour la Syrie doit être organisée sans délais et sans pré-conditions.

Toutes ces initiatives peuvent et doivent être prises. Elles peuvent et doivent se prendre avec la conviction que la fuite en avant des interventions militaires successives sont contre-productives et alimentent le terreau des prochaines violences. Ces initiatives soulignent l’urgence de répondre à ces situations de crise par des moyens qui ont en ligne de mire l’édification d’un ordre international juste et équilibré.

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