2.500 militants pour la paix se sont rassemblés ce week-end à Sarajevo pour le « Sarajevo peace event ». Une autre « communauté internationale ».

Sarajevo est un endroit particulier pour penser la paix. 100 ans presque jour pour jour après l’assassinat de François-Ferdinand et le déclenchement de la Première Guerre mondiale, Sarajevo est une ville qui a connu la guerre. Pas plus tard qu’il y a 20 ans aussi. Nombre d’immeubles sont encore criblés de balles et le feu continue à couver entre les différentes communautés. Pour penser la paix, il faut se rappeler la guerre et ses destructions ; particulièrement pour ceux qui ne l’ont jamais vécu.

Le week-end foisonnait de propositions d’ateliers, de conférences et de débats sur des thèmes aussi variés que les alternatives à la militarisation ou à l’OTAN, l’éducation à la culture de paix, la nonviolence, la réconciliation, le traitement du passé conflictuel, la résurgence des mobilisations sociétales massives dans différentes parties du monde, etc. A chaque fois la même question persistante : quels sont les chemins pour arriver à la paix quand on veut croire que la paix est le chemin dans un monde qui ne le balise pas ?

Cette question s’est faite d’autant plus prégnante quand les sujets d’actualité, au premier rang desquels l’Ukraine et la Syrie, s’invitaient dans les discussions et soulevaient des questions difficiles pour le mouvement de la paix : comment marquer son soutien aux soulèvements populaires quand ceux-ci prennent une tournure violente ? Devons-nous nous opposer à la violence des autorités en soutenant les processus violents ? Devons-nous (et comment) nous démarquer des affrontements indirects que les puissances mondiales se font par le truchement de ces mouvements populaires ? Devons-nous marquer notre soutien envers certaines puissances qui proposent leur intervention qualifiée de pacifiante et d’humanitaire ? Des questions difficiles et probablement inextricables qui soulignent la maturité du mouvement de la paix, en même temps que sa division.

Ainsi en était-il d’un atelier intitulé « Une paix est-elle encore possible en Syrie ? ». La paix dont il est question ici, est celle qui reste privilégiée par le plus grand nombre de pacifistes : la conviction qu’une sortie de crise violente par la voie du dialogue reste toujours possible et tout le temps souhaitable. Une éthique radicale et exigeante ; mais qui résiste à la contradiction lancinante qui consiste à proposer une sortie de crise, une visée de paix, par l’anéantissement de l’ennemi ou de son représentant. L’organisateur de cet atelier voulait donc, pour poser les jalons du débat, rappeler le cycle auto-destructeur et auto-reproducteur de la violence ; et le courage de ceux qui proposent d’en sortir.

L’atelier voulait présenter une initiative associative (et donc non gouvernementale) qui s’est déroulée il y a quelques semaines en Autriche. Celle-ci n’a quasiment pas été relayée en dehors du pays. Et pourtant. Cette association autrichienne, regrettant le nouvel échec de la conférence de Genève, a réussi à faire se rencontrer représentants du régime Syrien et représentants des différentes oppositions nationales autour d’une dynamique graduelle de construction de la confiance par une succession de petites étapes rencontrant les revendications des uns et des autres. Un représentant des négociateurs de l’opposition était présent au séminaire et a souligné, de concert avec l’organisateur, les étapes positives construites durant ces quelques jours de négociation. Pourtant, à la fin de ces rencontres, le gouvernement syrien a utilisé la liste des participants pour empêcher ceux qui y figuraient de revenir sur le territoire syrien et pour en emprisonner certains autres, comme ce professeur de l’université de Damas assis à notre table. Ce fait a conforté certains des participants véhéments dans l’idée qu’on ne peut négocier avec le régime syrien ; qu’il était naïf, voire criminel, de proposer de tels pourparlers ; que la seule solution est de continuer à armer l’opposition et de soutenir les puissances qui proposent une « intervention humanitaire ». D’autres participants au contraire, moins véhéments ceux-là, ont remarqué la possibilité d’organiser de telles rencontres et ont souligné le courage des négociateurs en défendant la radicalité contre-intuitive mais anti-naïve de cette volonté d’une paix par le dialogue.

Cette initiative était-elle donc naïve ou radicale ? Le représentant syrien assis à notre table ne sait pas. Il sait simplement que si une telle occasion se représentait, il y participerait à nouveau.

Crédit Photo: Lucas Wirl

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