Traditionnellement, le mois de décembre est propice au bilan des mois écoulés, et à la formulation de vœux pour ceux à venir. Au-delà des traditions, il est en effet sans doute judicieux et nécessaire de saisir l’occasion qui se présentent pour prendre un peu de hauteur vis-à-vis du déroulé frénétique des événements et de profiter de cette volonté de surplomber le contexte pour envisager des pistes d’engagement pérennes. 

Or, on ne va pas se mentir : 2023 a été une année difficile sur le plan de la paix. Euphémisme lénifiant. 

Il y a les conflits qui perdurent et qui ne noircissent pas beaucoup les colonnes de la presse généraliste : en RDC, au Yémen, en Syrie (et dans le Kurdistan), en Afghanistan, au Sahara occidental et ailleurs. Il y a aussi les conflits qui ont les mérites du débat public chez nous. L’Ukraine et Gaza, pour l’essentiel. D’abord l’un et puis l’autre, d’ailleurs.

De leur côté, les défis mondiaux et transnationaux s’aggravent, au premier rang desquels, évidemment, la crise climatique. Les moyens proposés sont très loin d’être à la hauteur du péril alors qu’en parallèle, les dépenses militaires continuent, elles, leurs hausses vertigineuses depuis deux ans, suggérant une scène internationale toujours plus insécurisante et atomisée, quand la planète et les peuples crient au rapprochement et au multilatéralisme. 

2023, aussi, nous a approché encore davantage de l’imminence d’une guerre atomique. Il est désormais 100 secondes avant l’apocalypse nucléaire.  

Dans ces tumultes, le travail pour la paix se maintient vaille que vaille.  

En février 2023, soit un an après l’invasion russe de l’Ukraine, la CNAPD a proposé, avec une large coalition d’associations de la société civile, de manifester pour un cessez-le-feu en Ukraine. « Comment avons-nous osé ?! ». Voués aux gémonies, nous étions alors prétendument coupables de prendre parti pour la Russie, contre le droit international et la solidarité avec le peuple ukrainien dans la défense légitime de son intégrité territoriale. Inaudible à l’époque – et malheureusement pas encore tout à fait audible aujourd’hui – notre appel au cessez-le-feu n’a pourtant jamais été envisagé comme un abandon ou une lâcheté mais plutôt comme un appel au courage, une demande pressante de suivre une autre voie que celle de la militarisation pour rechercher le respect du droit international. Après tout, la guerre c’est la négation du droit.  

Après deux ans de conflit, l’impasse dans laquelle nous entraîne la logique militaire est tous les jours un peu plus évidente. Même si elle n’occupe plus l’essentiel du débat public actuellement, la guerre en Ukraine continue. Elle s’est muée ses derniers mois en une guerre de tranchée ; figée mais toute aussi meurtrière et destructrice. Au-delà des mots et des slogans, nous n’avons eu de cesse de rappeler la sombre réalité de la guerre. En Ukraine, 328 soldats ukrainiens et russes sont tués en Moyenne par jour. Depuis le début de l’invasion russe en effet, près de 200 000 personnes ont perdu la vie et 300 000 personnes sont blessées, dont de nombreuses garderont des séquelles à vie. Pour quelle avancée concrète ? Aucune. Tout est figé. Entretemps, des dizaines de milliards de dollars d’armes ont été envoyés à l’Ukraine. Aujourd’hui, on observe, incrédules, le craquellement de ce soutien militaire. Quel gâchis. 

Dans la foulée de l’invasion russe, des augmentations considérables des budgets militaires des pays européens ont été annoncés. En Belgique, le gouvernement a décidé d’augmenter le budget de l’armée de 1,3 % du PIB à 1,54 % à l’horizon 2030. 14 milliards d’augmentation. Qui viennent s’ajouter au plus de 10 milliards d’investissement dans du matériel militaire contractés ces dernières années. 

Pourtant, le lien ne peut être fait entre l’insécurité ressentie vis-à-vis de l’invasion russe et l’augmentation des budgets militaires. Ces derniers ne produisant leurs effets concrets que dans plusieurs années. Cette nouvelle course aux armements est exactement le contraire de ce qui devrait être fait pour viser la stabilité, la sécurité et la paix en Europe. Elle éloigne les possibilités d’une nouvelle architecture de sécurité sur le continent, seule à même d’éviter de nouvelles confrontations. 

La vraie sécurité ne peut se rechercher au détriment des autres. La course aux armements ne peut être que porteuse d’insécurité. Parce que celles et ceux qui recherchent la sécurité à travers elle en induisent le besoin chez les autres. La « sécurité » des uns appellent l’insécurité des autres. Les dépenses militaires appellent les dépenses militaires. La violence appelle la violence.

Un cycle tragique qui s’exprime avec une violence inouïe dans la bande de Gaza, en cette fin d’année 2023. Plus de 20.000 morts en moins de trois mois ; dans la grande majorité des civils. Les crimes de guerre se multiplient en direct sur tous les écrans. Il y a autant de femmes et d’enfants qui ont été tués à Gaza depuis le 07 octobre qu’en deux ans de conflit en Ukraine.

Encore aujourd’hui, et malgré tout, les puissances occidentales ne parviennent pas à condamner les agissements d’Israël. Des circonstances atténuantes lui sont systématiquement octroyées et on lui garantit un flux continu d’armes et de munitions. Certaines de celles-ci transitent d’ailleurs par la Belgique, avec la complicité des autorités belges

Heureusement, la société belge n’est pas dupe. Trois manifestations nationales de plusieurs dizaines de milliers de personnes pour dénoncer les violences sur Gaza et appeler à un cessez-le-feu, ces dernières semaines. Des manifestant.e.s toujours plus nombreux au fur et à mesure des mobilisations. Et qui sont loin d’être isolés quand on observe les millions de personnes qui se mobilisent semaines après semaines pour une paix juste en Israël/Palestine. 

Cette mobilisation va perdurer en 2024. Dès le mois de janvier en Belgique, nous aurons l’occasion d’une nouvelle fois scander l’appel à la fin de la guerre et, plus loin, à la fin de l’occupation et du régime d’apartheid israélien. 

Espérons que ces mobilisations en engagent d’autres en 2024 et que la nécessité de la paix soit revendiquée partout et dès qu’il faut. Contre les guerres actuelles et celles qui se préparent. Contre la logique de confrontation et la militarisation. Contre la course aux armements et contre, aussi, l’absurdité de son aboutissement logique : la bombe nucléaire. 

En 2024, la CNAPD continuera à « allier le pessimisme de la raison à l’optimisme de la volonté », comme disait le philosophe Antonio Gramsci. Elle continuera de multiplier ses initiatives pour la paix. Elle veillera aussi à faire de la paix et des moyens d’y arriver, un sujet central de la campagne électorale pour les élections du mois de juin.

En plus, 2024 est une année bissextile. Un jour de plus que les autres années pour revendiquer un monde plus stable et plus en paix. C’est sûrement un signe. Gageons donc que ce soit celui de la paix !

Samuel Legros

D’ici là, l’équipe de la CNAPD vous souhaite des fêtes de fin d’année chaleureuses et ressourçantes. Que Noël et les fêtes de fin d’année puissent se dérouler dans la joie et la bonne humeur. Nos pensées les plus douces vous accompagnent.

Image de Starline sur Freepik
 

One thought on “2024 doit être synonyme de paix

  1. Michel STEVAERT dit :

    Implacable autant que parfait bilan d’une nouvelle année horrible. Permettez-moi d’ajouter deux éléments : 1. le fait que des objecteurs de conscience (célèbres) se soient mués en militaristes 2. la course aux armements comme un pied de nez au Giec et aux COPS. Tous mes voeux de paix ! Michel (objecteur de conscience 1985-1986)

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