Le 22 avril dernier marquait le 100e anniversaire de la première utilisation à grande échelle d’armes chimiques. Événement tout particulier pour nous, Belges, puisque celui-ci eut lieu à Ypres, avant de se reproduire régulièrement ailleurs jusqu’à la fin de la guerre.

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Notre ministre des Affaires étrangères nous rappelait à cette occasion que « le terrible effet des armes chimiques et l’atroce souffrance des victimes ont amené les gouvernements de l’époque à interdire leur utilisation en signant le protocole de Genève en 1925 ». Il est heureux et non moins logique de faire le lien entre le terrible effet de l’utilisation d’armes de destruction massive et la volonté des gouvernants de construire des instruments juridiques à même d’en exclure toute utilisation ultérieure.

Transportons-nous dès lors 30 ans après ce premier bombardement à l’arme chimique. Il y a 70 ans, donc, jour pour jour. L’armée américaine larguait ses deux bombes nucléaires sur Hiroshima et Nagasaki. 240 000 morts et des conséquences humanitaires, sanitaires, environnementales et sociales encore fortement perceptibles aujourd’hui. Curieusement, « le terrible effet de l’utilisation d’armes de destruction massive » n’a ici pas abouti en l’adoption d’un traité d’interdiction. D’ailleurs, 70 ans plus tard – et une semaine après la commémoration du bombardement d’Ypres ! – la Belgique rappelait à la conférence de révision du Traité de non-prolifération qu’elle aspirait à un monde sans arme nucléaire et que celui-ci n’était envisageable que par « la politique des petits pas ». Résultat ? 17 000 armes atomiques dans le monde, dont 20 en Belgique qui participent à faire du « monde sans arme nucléaire », une illusion.

Or, en cette année de multiples commémorations des affres de la guerre, notre pays se trouve confronté à des choix cruciaux.

Précisons d’emblée que la Belgique pourrait demander unilatéralement aux États-Unis de reprendre les têtes nucléaires qu’ils entreposent chez nous. Les États-Unis ont d’ailleurs déclaré qu’ils étaient disposés à le faire. La Grèce l’a fait. La Belgique, elle, malgré ses prières pour une terre dénucléarisée, préfère attendre qu’un consensus se dégage entre les États membres de l’OTAN et répète depuis le début des années 1990, y travailler discrètement.

Peu lui importe que cette position – invérifiable mais en tout cas improductive – perpétue l’illégalité dans laquelle la Belgique se trouve au regard du TNP auquel elle a souscrit… et qu’elle appelle à respecter dans son accord de gouvernement. Bien sûr, « on » va nous dire que ce n’est pas aussi simple pendant qu’ »on » rendra jour après jour les choses plus compliquées.

Ainsi, le gouvernement doit présenter prochainement sa « note stratégique sur l’avenir de l’armée belge », qui doit tracer les grandes orientations de la Défense pour les 15 prochaines années. Dans ce cadre, une Résolution du Parlement flamand et une Résolution de la Chambre ont tout récemment appelé à « inscrire résolument la Belgique dans la lutte pour le désarmement nucléaire dans le cadre de négociations multilatérales auxquelles la Belgique continuera de participer activement afin de libérer son territoire de toute présence d’armes nucléaires ».

Or, depuis bien longtemps, la Belgique s’inscrit « résolument dans la lutte pour le désarmement nucléaire » en entraînant ses pilotes à larguer les bombes nucléaires présentes sur le territoire à bord des avions de chasse F-16… que l’accord de gouvernement prévoit de remplacer avant la fin de cette législature.

D’après l’État-major de la Défense, dont la récente note interne a fuité dans la presse, l’armée belge doit continuer dans l’avenir à avoir des avions capables de larguer les bombes nucléaires de Kleine Brogel. Ce serait apparemment une manière pour un petit pays comme le nôtre d’être entendu sur la scène internationale. Une question de crédibilité donc. Probablement le même argument qui perdure depuis la fin de la Guerre froide. Tant pis, finalement, si cette crédibilité s’appuie aussi sur des bombes 14 fois plus puissantes que celles qui ont détruit les villes d’Hiroshima et de Nagasaki.

Nous sommes donc devant un choix. Celui d’acheter ou de ne pas acheter de nouveaux avions chasseurs-bombardiers. Ce choix doit être présenté sous toutes ses coutures et faire l’objet d’un débat transparent, ouvert et large (Pour en savoir plus sur l’achat de nouveaux avions de chasse: www.pasdavionsdechasse.be). Une de ces coutures, et non des moindres, est la question de la capacité nucléaire et du rôle pesant de la Belgique dans la perpétuation des armes atomiques dans le monde. Faire le choix du remplacement des F-16 de l’armée belge, c’est aussi questionner la perpétuation du rôle de la Belgique dans le partage des tâches nucléaires de l’OTAN. Acheter des avions « dual capable », c’est pérenniser pour des décennies, la présence des armes nucléaires sur notre territoire.

La question du renouvellement des F-16 a ceci de positif que l’on constate depuis peu un débat de plus en plus ouvert sur la présence d’armes nucléaires en Belgique, tant dans la presse qu’au sein de la classe politique. Gageons que celui-ci fait droit à l’opposition de 61% des Belges (d’après un sondage de l’université d’Anvers, réalisé au mois d’avril 2015), à la présence d’armes nucléaires à l’intérieur de nos frontières.

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