La volonté de réaliser ce travail est née de l’observation faite du traitement post-7 octobre par le paysage médiatique français. En me basant sur la méthode d’analyse très pertinente issue de la série d’articles en trois parties de l’Acrimed intitulée : “Israël-Palestine, le 7 octobre et après”, j’ai décidé de l’adapter au cas belge. Sans prétendre à l’exhaustivité, mes recherches se sont basées sur une analyse des articles des journaux du ‘Soir’ et de ‘La Libre’ ayant attrait au conflit durant les cinq à six derniers mois. Si de manière générale celui-ci a été traité de façon plutôt juste dans les deux cas, il reste utile de rappeler certaines vérités…

 

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Mal nommer les choses c’est ajouter du malheur au monde” – Albert Camus

 

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Par sa haine sans limite, le Hamas a déclenché samedi un embrasement dont personne ne sait quand et comment il s’arrêtera. Ces crimes de guerre de l’organisation terroriste palestinienne provoquent un effroi comparable au 11 septembre ou à l’attaque sur Pearl Harbor1. Présentisme, double standard ou pure mauvaise foi? Un peu de tout. Cette citation, tirée de l’éditorial du 8 octobre 2023 de ‘La Libre’, réussit presque à réunir tous les travers ayant caractérisé la couverture médiatique occidentale suivant le ‘retour’ à l’agenda médiatique d’un drame pourtant continu depuis plus de 70 ans. Non seulement le 7 octobre ne constitue pas l’embrasement entre Israël et Gaza, mais il est clair que la culture de violence du gouvernement israélien ne laissait peu de doutes quant à la suite des évènements. 

 

A l’heure de l’écriture de cet article, les plus de six mois de massacres israéliens, ayant suivi celui du Hamas, se poursuivent toujours. L’UNICEF comptabilise des conséquences humaines désastreuses: “Au 15 mars, le bilan faisait état d’au moins 1 200 morts dont 36 enfants et plus de 7 500 blessés en Israël. 138 personnes seraient encore retenues en otage. Dans la bande de Gaza, 31 490 personnes, dont plus de 5 350 enfants et au moins 3 250 femmes, seraient décédées. Près de 73 439 personnes auraient été blessées dont 12 300 enfants. Plus de 17 000 enfants sont séparés de leurs parents. Des milliers d’autres sont portés disparus. Les femmes et les enfants représentent 70 % des victimes. […] La Cisjordanie est également le théâtre de violences. Au moins 112 enfants auraient été tués et des centaines d’autres, obligés de fuir. 2023 aura été l’année la plus meurtrière jamais enregistrée pour les enfants de Cisjordanie.2

 

Pareille tragédie ne peut se contenter d’une couverture ‘correcte’, le souci de la profession en incombe. Ainsi, il est regrettable de constater les marques d’un ‘double standard’ à l’égard des deux parties. Pour rappel, voici la définition fournie par l’Acrimed : Par « double standard », nous entendons ici la pratique par laquelle les critères de jugement ou d’appréciation – en général non énoncés – changent non en fonction de leur objet mais en fonction de l’individu ou du groupe sur lesquels ils portent.”3 Dans notre cas, il s’agit de la différence de traitement de l’information selon que l’on parle d’Israël ou bien du Hamas/Gaza (des d’appellations occultantes sur lesquels nous reviendrons). Cette tendance est particulièrement visible dans le choix du vocabulaire employé. De fait, un champ lexical basé sur l’émotion est utilisé pour aborder les attaques subies par Israël. Or, dès lors que l’on parle de ses actes commis, les mots semblent se ranger dans le camp du rationnel. Quant à eux, les actes subis et causés par le Hamas/Gaza pâtissent d’un traitement inverse. Concrètement: “Israël applique une vengeance méthodique, implacable qui intervient face aux “[…] crimes cruels et sauvages commis par le Hamas4. Les “[…] massacres commis par le Hamas”, s’enchaînent simplement d’une “riposte israélienne5. On dénonce la “[…] sanglante attaque du 7 octobre” aux côtés de “l’opération militaire israélienne6. De même: Selon le Hamas, plus de 25 490 personnes ont été tuées et 63 354 blessées depuis le début de l’intervention israélienne suite à l’attaque sanglante du 7 octobre, qui a fait 1140 victimes côté israélien7. Les bombardements israéliens, “[…] tuant des milliers de civils”, répondent aux “[…] 1 400 victimes civiles et militaires assassinées8

 

Pourtant, Michel Gevers (professeur émérite à l’UCLouvain), rejoignait ce constat accablant dans les pages mêmes du ‘Soir’ : Depuis l’attaque meurtrière et sordide du Hamas le 7 octobre, on assiste à un véritable déferlement de mots guerriers de la part des dirigeants occidentaux et de la plupart des médias. Le mot « vengeance », ce mot horrible, a été utilisé à tour de bras par nos dirigeants. Et les mots ont toute leur importance. On met en opposition les « terroristes » du Hamas et les « soldats » israéliens9


La population gazaouie est ‘tuée’ tandis que, du côté israélien, celle-ci se voit ‘massacrée’ ou ‘assassinée’. En outre, le différentiel sémantique autour de la qualification des opérations de part et d’autre est conséquent. L’opération israélienne qualifiée de ‘riposte’ ou de ‘vengeance’, face aux ‘horreurs’ et à la ‘barbarie’ du Hamas, se voit ainsi légitimée ; faisant en cela fi du constat de crimes de guerre commis par l’armée israélienne dès le lendemain du 7 octobre10.


1. L’effroi, du sang et des larmes - La Libre


2. Guerre Israël-Palestine : six mois de tragédie pour les enfants - UNICEF


3. Israël-Palestine, le 7 octobre et après (2) : doubles standards et compassions sélectives - Acrimed | Action Critique Médias

4. Il n’y aura pas de gagnant à Gaza - La Libre

5. Tsahal, l’armée la plus morale du monde ? “La protection des troupes israéliennes passe avant celle des civils” - La Libre

6. Guerre Israël-Hamas : cinq chiffres pour comprendre l’ampleur des destructions à Gaza - Le Soir

7. Dans l'enfer de Khan Younès, encerclée par l'armée israélienne: "On nous ordonne d’évacuer l’hôpital, mais impossible de sortir sans se faire tuer" - La Libre

8. Israël appelé à la plus grande prudence - La Libre

9. Carta Academica – L’otage Imad Barghouthi et la Palestine - Le Soir

10. Israël-Gaza, Des preuves accablantes de crimes de guerre - Amnesty International Belgique

Crédit photo : Freepik

Roméo CHEVAUX

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