Le 10 octobre dernier, on a tenté d’assassiner la paix et la démocratie. Voilà en quelques mots le résumé de l’événement tragique qui s’est déroulé à Ankara lorsque deux bombes ont explosé au milieu d’une manifestation non-violente de pacifistes et de démocrates initiée par les organisations syndicales et professionnelles turques, tuant une centaine de participants et faisant plusieurs dizaines de blessés.

Ces opposants à la politique guerrière de Recep Tayyip Erdogan et de son gouvernement, notamment envers les Kurdes, exerçaient ainsi leurs droits fondamentaux de s’exprimer et de se rassembler. Et en les visant, c’est tout le mouvement pour la paix que les responsables ont voulu tuer, espérant ainsi une escalade de la violence et un renforcement du climat général délétère persistant depuis plusieurs années en Turquie et dans la région au profit d’intérêts de pouvoir, électoralistes et/ou militaires. En les visant, c’est un idéal, notre idéal, qui s’est retrouvé menacé.

Chez nous, en 2012, des militants pacifistes ont envahi le Quartier Général européen de l’OTAN (le SHAPE) pour dénoncer la présence illégale d’armes nucléaires sur le territoire belge (voir article dans cette newsletter). Arrêtés par la police, sept d’entre eux se retrouvent aujourd’hui devant le tribunal correctionnel, ramenés à un statut de simple délinquant de droit commun au même titre qu’un voleur de sacs à main ou un cambrioleur. Menacés d’une peine de cinq ans de prison et d’une très lourde amende, on dénie à ces militants le caractère politique de leur action de désobéissance civile. Or, en agissant de la sorte, ils visaient à sensibiliser la population à l’existence de ces armes et au danger qu’elles représentent pour la Belgique, pour l’Europe et pour le monde. Ils pointaient ainsi du doigt la responsabilité politique de notre gouvernement et le non-respect du Traité de non-prolifération que notre pays a ratifié. Il s’agit donc bien ici d’un procès politique qui ne dit pas son nom. La revendication des militants poursuivis est claire, et nous la soutenons : il faut que l’État assume son choix de réprimer judiciairement les militants pour la paix et donc les renvoie devant les Assises où doivent se juger les procès politiques.

Voici deux exemples récents aux conséquences évidemment incomparables pour les militants qui en sont victimes mais qui reflètent une tendance historique de ce à quoi sont confrontés régulièrement les pacifistes. En effet, depuis toujours, ceux qui défendent un idéal de paix et de dialogue dérangent. Parce qu’ils démontrent qu’une société non-violente est possible, ils renvoient aux maîtres de ce monde et à ceux qui les croient la réalité crue : leurs violences, leurs guerres, leurs conflits armés sont des choix. Ils mettent ainsi face à leurs responsabilités nos décideurs qui ont sacrifié les idéaux de paix à leurs intérêts particuliers, financiers et militaires. Ils mettent le doigt là où ça fait mal et c’est la raison pour laquelle ils sont réprimés, jugés, brutalisés, assassinés… On peut convoquer à titre d’exemples l’assassinat de Jaurès qui fut un symbole de la renonciation des nations à l’idéal de paix au profit du bruit de bottes ou encore ceux de Gandhi et de Luther King qui avaient, eux, fait le choix de la désobéissance civile plutôt que de la brutalité.

Malgré cette répression, les activistes pour la paix n’abandonneront jamais le combat. Au contraire, chaque attaque à leur encontre renforce leur détermination parce qu’ils savent que tant qu’ils dérangent, c’est que leur combat est le bon.

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