Le Sahara occidental est l’une des dernières colonies sur le continent Africain.

Un territoire occupé, un peuple exilé, une injustice prolongée depuis cinquante ans. Et pourtant, le silence domine. Même de mon côté, alors que je viens d’un parcours militant, j’ai découvert la cause sahraouie très tard. C’est à travers la Coordination Nationale d’Action pour la Paix et la Démocratie, organisation belge, que je co-préside aujourd’hui, que j’ai pris conscience de l’ampleur de cette injustice. En tant que jeune socialiste belge, issu d’un pays qui a colonisé, pillé et massacré (d’abord au profit privé du roi Leopold II qui s’est approprié un territoire 5 fois la taille de la France, la RDC, le Rwanda et le Burundi), je ne peux pas ignorer que notre histoire nous oblige à être en solidarité des peuples qui ont été soumis et qui sont encore soumis aujourd’hui. Et pourtant, on ne nous l’a ni expliqué à l’école, ni à l’université, où j’ai pourtant étudié le droit international, et les droits humains. Mais si la cause sahraouie a été occultée si longtemps dans le paysage militant, ce n’est pas un hasard. Elle a été étouffée sous une propagande politique/académique/économique méthodique, relayée, normalisée. La force de cette propagande, c’est qu’elle se joue sur le long terme. Mais c’est mal connaître le peuple sahraouis, que d’oser penser que le temps les fera faiblir. En mai de cette année, je me suis rendue, avec une délégation belgo-suisse, dans les camps de réfugiés de Tindouf. Et j’ai pu y constater de mes yeux ce qui a été dit à plusieurs reprises hier et aujourd’hui à propos des Sahraouis : c’est un peuple digne, c’est un peuple résilient, et c’est un peuple résistant.

Lors de notre mission, un ambassadeur nous a dit une phrase qui continue à m’habiter aujourd’hui : « L’ignorance, c’est la fin des peuples. » Et c’est ainsi, à chaque fois que j’explique la réalité sahraouie — l’occupation, l’exil dans les camps près de Tindouf et les conditions de vie arides, le mur militaire de 2 700 km, les ressources pillées, les personnes emprisonées — que les consciences s’éveillent. Même les jeunes belgo-marocains, présents aux manifestations pour la Palestine à Bruxelles, à qui je parle de cette injustice, sont secoués, car ils découvrent que le régime occupant a troqué la question palestinienne contre la reconnaissance américaine de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Qu’à travers son occupation militaire, des millions d’euros par jour sont engloutis pour maintenir un mur qui sépare un peuple de son territoire, et des millions d’autres sont investis pour faire un lobby politique et économique, alors qu’une jeunesse marocaine étouffe du manque structurel d’emploi et d’accès à la protection sociale. Et ce silence autour du Sahara occidental s’inscrit dans un schéma plus large : — La Palestine, écrasée par un génocide à Gaza qui s’étend à la Cisjordanie ; — le Congo, encore ravagé par le pillage économique et les massacres ; — le Soudan, livré aux massacres ; — les peuples autochtones d’ameriques latines à qui on leur retire leur terres pour des méga projet industriel polluant des terres sacrées Partout, ce sont les mêmes logiques néocoloniales : exploiter, accaparer, déshumaniser. Partout, ce sont les mêmes bénéficiaires : des puissances économiques et politiques pour qui la vie humaine compte moins que le profit. Reconnaître l’existence de ce peuple, c’est reconnaître un colonialisme contemporain. Et certains États préfèrent l’oubli à l’aveu.

Dans ce contexte, il est indispensable de rappeler ce qu’est le droit international. Il n’a pas été créé par les puissants : il a été arraché par les peuples colonisés, pour que leur dignité soit reconnue, pour que la force cesse de dicter la loi. Mais ce droit a été détourné. Il a été bâti de façon asymétrique, verrouillé par les vétos des grandes puissances, bafoué dès qu’il menace leurs intérêts. Les juges de la Cour pénale internationale sont intimidés. Les militants réduits au silence.

Les résolutions onusiennes ignorées. Nous sommes passés, et ces dernières années encore plus frontalement, de la force du droit au droit du plus fort. Je reprendrai une citation de Gramsci : « Le vieux monde se meurt, le nouveau tarde à apparaître, et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. » Oui, les monstres sont là. Mais ils tremblent, parce qu’ils savent que leur modèle touche à sa fin. Et c’est pour cela qu’ils renforcent leurs murs, leurs prisons, leur propagande. Face à cela, notre responsabilité est immense. Les peuples qui croient en l’humanité doivent se tenir aux côtés du peuple sahraoui et palestinien. Non pas par charité, mais par justice. Dans l’oubli du Sahara occidental, c’est tout l’idéal décolonial qui vacille, et décoloniser n’est pas un slogan. C’est une exigence morale, essentielle à la survie de notre humanité. Nous ne survivrons pas au génocide palestinien ni à l’effacement du peuple sahraoui si nous acceptons d’en détourner les yeux.

Alors oui, nous avons le devoir de parler du Sahara occidental. De rappeler l’exil forcé, les ressources pillées, les jeunes privés d’avenir, les alliances complices entre les États-Unis, la France, l’Union européenne et le Maroc. De redire qu’aucune paix durable au Maghreb, aucune cohérence internationale, ne sera possible tant que le peuple sahraoui ne sera pas libre.

L’histoire l’enseigne : les peuples éclairés choisissent la justice. Et c’est notre rôle, aujourd’hui, d’être cette lumière. De briser le silence. De faire entendre la voix sahraouie. Et d’affirmer que le combat pour la liberté du Sahara occidental est un combat pour l’avenir de l’humanité. 

Giulia Contes, co-présidente de la CNAPD 

(Conférence européenne de coordination du soutien au peuple sahraoui – 28.11.2025)

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