Individu-roi, libertés individuelles, réussite personnelle, accumulation matérielle, recherche du profit, démocratie de marché, uniformisation, … nous vivons aujourd’hui le règne de l’individu, de l’individuel et de l’individualisme. La liberté des uns prime sur la liberté de toustes. Une liberté qui est avant tout celle d’entreprendre, d’innover, d’investir, de faire fructifier, d’accaparer. L’Etat, de plus en plus déconnecté de toute idée d’Etat providence ou de contrat social, se résume à un instrument au service de cette liberté débridée de réaliser des ambitions personnelles. Suivant cette vision, la société devrait se résumer à un marché dépouvu d’entraves dans le cadre duquel chaque individu ne serait plus qu’un maillon individuel dépourvu d’individualité, libre d’entreprendre. Chacun·e est ainsi réduit à n’être mût que par la rationnalité économique, un individu qui fait ses choix sur la base d’un calcul coût-bénéfice, au détriment d’autres types d’intelligences (émotionnelles, altruistes, intuitives, etc.) et du collectif. Un joyeux marché régi par les règles de la compétition entre tous et toutes. Les plus méritants, seuls, sortiront gagnants. 

« En 2023, les 1 % les plus riches détiennent 45,6 % de la richesse mondiale, tandis que la moitié la plus pauvre du monde n’en possède que 0,75 %.1 »

Et pour ce qui est de l’égalité, on repassera. Les inégalités violentes perdurent, se creusent et engendrent de la violence. Pour faire passer la pilule et légitimiter la violence du système, le mythe de l’égalité des chances arrive à point nommé. Selon lui, nous partons toustes avec les mêmes cartes en mains. Et libres à nous de nous hisser en haut de l’échelle sociale resservée aux plus méritant·e·s. Nous serions donc toustes responsables de la place occupée dans la hiérarchie sociale ? Et tant pis pour les pauvres responsables de leur propre misère ? C’est penser sans l’importance des phénomènes de reproduction sociale liée à la transmission du patrimoine, répartie de manière fort inégalitaire. 

Soit. Il faudrait nous faire croire qu’on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Et tant pis pour celleux laissées sur le carreau. Ce serait pour la bonne cause. Car ce système serait le seul capable de préserver la liberté de chacun·e. Le résultat d’une évolution naturelle de nos sociétés. La fin de l’histoire. La dernière et la seule solution après l’échecs des tentatives d’organisations sociales précédentes. Ces affirmations sont pourtant loin d’être aussi évidentes. Et le néolibéralisme, plutôt que le résultat d’une évolution naturelle de nos sociétés, repose sur un ensemble de discours, de pratiques et de dispositifs visant à présenter cette évolution comme étant effectivement naturelle et à généraliser son application jusqu’à pouvoir orienter le moindre de nos comportements sociaux et individuels, s’immisçant dans nos sphères les plus intimes. Nous serions ainsi forcé·e·s de nous adapter à tout prix à une système incapable de répondre à nos besoins les plus élémentaires.  Toustes contraint·e·s de porter des chaussures trop étroites, quittes à nous couper les orteils plutôt que de nous déchausser.2