Pourquoi la Belgique dispose-telle de bombes nucléaires sur son sol ? Pourquoi les États-Unis ont-ils près de 500 bases militaires à travers le monde ? Pourquoi la Chine assure-t-elle une présence maritime depuis ses côtes jusqu’au Golfe d’Aden ? Pourquoi certains États interviennent militairement à certains endroits pour « protéger » les populations et pourquoi pas à d’autres où les populations ont tout autant besoin d’être « protégées » ?

D’un point de vue belge, la présence internationale des États « occidentaux » est le plus souvent présentée dans des objectifs de « maintien de la paix et de la sécurité » tandis que celle de nos « ennemis » est pointée comme déstabilisatrice et insécurisante (voir la fiche « domination de race »). La présence militaire internationale participe pourtant toujours, à un degré ou à un autre, de la même logique : le déploiement d’un dispositif sécuritaire et militaire afin d’élargir le plus possible la capacité d’action et la marge de manœuvre de chaque État. Comme dirait le célèbre géopolitologue allemand Clausewitz : « la guerre n’est que le prolongement de la politique par d’autres moyens ». La menace de guerre aussi. Cette militarisation accompagne, depuis plusieurs décennies, la mondialisation des échanges et des flux, l’internationalisation d’un système économique concurrentiel et conflictuel : le capitalisme néolibéral (voir fiche « domination socio-économique »). 

Au tournant des 1980, la doxa des relations internationales (l’approche néoréaliste ou structuro-réaliste) repose sur l’idée que le système international se définit avant tout comme un ordre social et politique singulier, marqué par « la guerre de tous contre tous », du fait qu’il n’existe pas d’institutions supérieures aux États capables d’assurer la paix et la stabilité en appliquant le droit international de manière systématique. De ce fait, les États sont amenés à assurer leur sécurité par eux-mêmes, en accumulant les ressources matérielles de la puissance, parfois via la formation d’alliances (comme l’OTAN). La dissuasion par l’accumulation des ressources matérielles de la puissance. Toutefois, lorsqu’un pays ou une alliance militaire accumule les moyens lui permettant d’augmenter sa propre sécurité, elle diminue mécaniquement la sécurité de tous ses voisins : c’est ce que l’on appelle le dilemme de la sécurité. Accumuler de la puissance pour dissuader toute agression potentielle, entraîne donc des contre-mesures chez les autres, avec pour résultat qu’un supplément de puissance n’augmente pas systématiquement la sécurité, et peut-même s’avérer contre-productif. Par conséquent, l’incertitude quant aux intentions de la partie rivale se renforce, et un contexte d’insécurité générale s’ensuit, alors même que l’objectif recherché était celui de la sécurité. Un cercle vicieux. 

Depuis septembre 2001, une « nouvelle » catégorie d’ennemi a émergé dans le débat public : le terrorisme « djihadiste ». Contrairement aux États, ce nouvel ennemi est diffus, disparate, protéiforme, mondialisé. Il est tant externe, qu’interne : s’il cautionne de plus en plus le déploiement tous azimuts des puissances étatiques, il prolonge également la logique, les méthodes et le vocabulaire de la guerre à l’intérieur de nos frontières : fabrication d’un ennemi culturellement identifié (voir la fiche « domination de race »), déploiement des militaires dans l’espace public, criminalisation accrue de la migration, multiplication des politiques intrusives et répressives, délitement des normes, érosion de l’État de droit et de la démocratie. Pourtant, cette domination sécuritaire de plus en plus manifeste, qui tend progressivement vers l’arbitraire, ne paraît pas en mesure d’atteindre les objectifs qu’elle s’assigne.