« Félicitations et merci pour votre action décisive en Iran, qui était vraiment extraordinaire et que personne d’autre n’a osé faire. Cela nous rend tous plus sûrs. Ce soir, vous vous envolez vers un autre grand succès à La Haye. Cela n’a pas été facile, mais nous les avons tous fait signer pour 5 % ! Donald, vous nous avez conduits à un moment très, très important pour l’Amérique, l’Europe et le monde. Vous allez réaliser ce qu’AUCUN président américain n’a pu faire depuis des décennies. L’Europe va payer un prix ENORME, comme il se doit, et ce sera votre victoire. »

Voilà le message que le Secrétaire général de l’OTAN Mark Rutte a envoyé à Donald Trump ce mardi 24 juin, avant sa venue au sommet de l’alliance à La Haye. Avec les majuscules.

Vus les éloges, le Président Trump s’est évidemment empressé de le publier sur son réseau social.

Cette histoire est hallucinante. Mais elle permet au moins d’étaler publiquement la grossièreté de tout le processus qui vient d’entraîner la Belgique à s’engager officiellement avec l’OTAN à atteindre 5% de son PIB pour le militaire d’ici 10 ans. Soit une augmentation de 24 milliards du budget annuel de l’armée belge.

C’est décidé : 5% du PIB des membres de l’OTAN devra être consacré au militaire en 2035

« Les Alliés vont, pour 2035, porter à 5 % la part du PIB consacrée chaque année au financement des besoins ayant trait à la défense proprement dite et aux dépenses liées à la défense et à la sécurité au sens large ». Voilà le corps de l’engagement pris par tous les Etats membres de l’OTAN, aujourd’hui, à la sortie du sommet de La Haye. Les dépenses militaires combinées des Etats membres de l’OTAN passeraient donc de 1300 à plus de 2350 milliards d’euros.

Plus précisément, l’augmentation de la part du PIB réservée strictement au militaire doit être « d’au moins 3,5% ». Les 1,5% restants doivent servir à « réaliser des investissements dans le but notamment de protéger les infrastructures critiques, de défendre les réseaux, d’assurer la préparation du secteur civil et la résilience, de libérer le potentiel d’innovation et de renforcer leur base industrielle de défense » 

L’engagement pris à ce sommet précise que « les alliés présenteront tous les ans un plan national dans lequel ils fixeront une trajectoire réaliste qui leur permettra d’atteindre progressivement ce pourcentage. », en soulignant cependant que 2029 constituait une étape importante du processus quand « la trajectoire et la répartition des dépenses fixées seront revues à la lumière de l’évolution du contexte stratégique ». 

 

Enfin la déclaration finale du sommet veut réitérer « l’engagement commun à développer rapidement la coopération entre les industries de défense de part et d’autre de l’Atlantique ». Un « détail » croustillant quand on se rappelle que tout le plan « ReArm Europe » (doté de 800 milliards d’euros), présenté en avril par la présidente de la Commission européenne, a été amorcé suites aux déclarations de Trump quant à un possible désinvestissement des Etats-Unis en Europe et la nécessité pour l’Europe de ne plus dépendre de l’industrie militaire étatsunienne. 

Un engagement, qui n’est pas un engagement, mais qui est un engagement quand même 

Avant et pendant le sommet, la communication officielle du gouvernement Arizona a été de soutenir la nouvelle norme des 5% tout en signalant que la Belgique n’aurait pas les moyens de l’atteindre. Oui, oui. 

Surtout que la veille du sommet de l’OTAN, le gouvernement Arizona s’accordait sur une nouvelle trajectoire budgétaire dans sa « Vision stratégique 2025 ». Cette nouvelle trajectoire vise 2,5%… à partir de 2034. 

Si on s’en tient aux déclarations officielles, le passage de 2034 à 2035 sera donc extrêmement douloureux. 

A n’en pas douter, les sermons entendus continuellement sur « la Belgique mauvais élève de l’OTAN » pourront être recyclés pour les années à venir. On change les chiffres et on recommence. Ce faisant, on n’aura pas eu le temps d’encaisser l’augmentation à 2% décidée par l’Arizona à pâques et qui engage le gouvernement De Wever à trouver 17,2 milliards supplémentaires au cours de cette législature. 

La nouvelle « vision stratégique 2025 »

Au sujet de cet accord sur la nouvelle « vision stratégique 2025 », le Ministre de la « défense » Théo Francken a présenté la liste de courses accordées en gouvernement, sur son profil facebook le 24 juin dernier. Une liste qui rend palpable, la concréité de l’augmentation du budget militaire chez nous. Et qui fait froid dans le dos : 

    

« Nous réalisons 34,2 milliards d’euros d’investissements, dont 27 milliards pour de nouveaux investissements.

Nous investissons massivement dans la défense aérienne avec l’achat de [missiles] PIORUN, NASAMS, SKYRANGERS et PATRIOT ou SAMP/T. 

Nous nous procurons une troisième frégate et un navire de soutien logistique. Nous achetons aussi des hélicoptères lourds et de nouveaux hélicoptères SAR, ainsi que des [drones] Skyguardians MQ9B.

Une deuxième brigade terrestre va voir le jour. Nous achèterons plus de 1.000 véhicules de combat, dont des Servals, des Griffons, des Jaguars et des milliers de véhicules logistiques (camions, remorques surbaissées, véhicules logistiques). 

Et oui, nous allons ENFIN acheter suffisamment de munitions. 

Nous allons créer des bataillons de drones de combat.

Nous nous préparons à la guerre de demain, en investissant massivement dans le cyber, le quantique, l’IA, les drones et l’espace.

Nous passons à des effectifs de 34.500 militaires et 8.500 civils. La Défense comptera 12.800 réservistes dans une réserve opérationnelle et territoriale entièrement équipée, notamment grâce à l’année de service militaire volontaire ».

Bien sûr, rassurez-vous : « Nous n’investissons pas dans la guerre, mais dans la sécurité ». Cette Vision stratégique « nous permettra, avec nos alliés, d’agir avec force pour maintenir la paix ». Du Georges Orwell dans le texte.

Samuel Legros

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