Il y a six ans jour pour jour débutait au Yémen un conflit armé opposant une coalition menée par l’Arabie saoudite, soutenant des forces progouvernementales, à une coalition de groupes rebelles, dont les Houthis. Depuis, la population yéménite vit l’enfer. Attaques aveugles, bombardements de biens civils, enlèvements, viols, et bien d’autres violations du droit international humanitaire ont mené à ce que les Nations unies qualifient de “pire crise humanitaire au monde”.Depuis le début du conflit, la section belge francophone d’Amnesty International (AIBF), la Coordination nationale d’action pour la paix et la démocratie (CNAPD), la Ligue des droits humains (LDH) et Vredesactie n’ont eu de cesse de mettre en garde contre le risque manifeste que les armes wallonnes participent aux atrocités commises au Yémen. Pourtant, malgré ce risque probant et les centaines de milliers de mort·e·s et de blessé·e·s parmi les civil·e·s, Riyad reste l’un des meilleurs clients de la Wallonie avec, en 2019, plus de 300 millions d’euros de ventes d’armes vers l’Arabie saoudite.L’été dernier encore, la coalition menée par l’Arabie saoudite a effectué de nombreuses frappes aériennes dans le nord du pays, tuant au moins 49 civil·e·s, dont six enfants. Cela n’a pas l’air de perturber outre mesure la Région wallonne, qui fait l’autruche et continue ses exportations vers la Garde nationale saoudienne, arguant que cette dernière ne mène aucune opération militaire en dehors du royaume. Aucune, vraiment ? En mai 2019, l’enquête #BelgianArms, parue notamment dans les pages du Soir, confirmait la présence au Yémen d’armes produites en Wallonie. En février dernier, un rapport de Vredesactie mettait également en lumière l’implication de la Garde nationale saoudienne dans une opération militaire (ratée) au Yémen.Ces preuves irréfutables ne semblent pas suffire à la Région wallonne, qui s’entête, en violation de son propre droit, le Décret wallon de 2012 sur les ventes d’armes obligeant le Ministre-Président à refuser une exportation s’il existe un risque manifeste que les armes servent à commettre des violations graves du droit international humanitaire et des droits humains.Les multiples décisions de justice du Conseil d’État belge, suspendant les licences d’armes destinées à l’Arabie saoudite depuis juin 2018 n’ont pas non plus raisonné le gouvernement wallon. Ainsi, en février dernier, et pour la troisième fois, nous apprenions que des licences similaires, portant sur le même matériel, à destination du même État et au bénéfice de la même entreprise, étaient de nouveau octroyées. Le gouvernement profite honteusement de l’opacité du système d’octroi qu’il a lui-même organisé et qui empêche les ONG d’agir en temps utiles. À cet égard, il est impératif qu’un système de transparence soit mis en place par le biais d’un système de contrôle à priori.En plus d’ignorer délibérément les décisions de la plus haute juridiction administrative belge, la Région wallonne va sciemment à l’encontre des nombreuses mises en garde des instances internationales et européennes, qui rappellent que les exportations d’armes aux pays engagés dans le conflit yéménite vont à l’encontre des engagements pris pour le respect des droits humains dans le monde. Ainsi, les autorités belges tiennent un double discours hypocrite en signant le Traité sur le commerce des armes et en professant la bonne parole au niveau international par le biais du Conseil de Sécurité des Nations Unies, sans pour autant remettre en question la politique industrielle wallonne en matière d’armement. Le gouvernement wallon doit impérativement respecter ses engagements et initier la diversification du secteur industriel concerné, afin de sortir de cette impasse.Pourquoi le gouvernement wallon s’entête-t-il ? Comme l’a relevé l’auditeur du Conseil d’État dans son rapport concluant à une nouvelle suspension, “s’il est si difficile pour le Ministre Président de motiver adéquatement ses décisions, c’est peut-être tout simplement qu’elles sont injustifiables au regard du droit international qui régit la vente d’armes entre les États”.L’hypocrisie meurtrière de la Région n’a que trop duré. Aussi, en ce jour “anniversaire” du conflit yéménite, la CNAPD, la LDH, Vredesactie, avec le soutien d’AIBF, intentent une action en référé devant le Tribunal de première instance contre la Région wallonne et demandent que des licences ne puissent plus être octroyées à l’Arabie saoudite. Il est temps que la Wallonie cesse enfin ce commerce avec Riyad.  

One thought on “6 ANS DE GUERRE AU YÉMEN : LA DUPLICITÉ WALLONNE N’A QUE TROP DURÉ

  1. Ce blog demande sans aucun doute d’énormes efforts de votre part. Bon travail!

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.