Le gouvernement wallon s’est engagé dans un processus de révision de la procédure d’octroi des licences d’exportation d’armements, y compris des armes légères, qui devrait aboutir à l’adoption d’un décret wallon. La nécessité d’une législation claire encadrant l’exportation des armes wallonnes est une évidence démocratique. Pourtant, il apparaîtrait que le processus soit quelque peu enroué.

Ce n’est pas parce que des armes sont dites « légères », que leur gestion doit être entachée du même qualificatif. Les armes légères, « armes de destruction massive » d’après l’ancien Secrétaire Général des Nations-Unies Kofi Annan, tuent en effet plus de 500.000 personnes chaque année. Près de la moitié d’une ville comme Bruxelles.

Les exportations d’armes légères de la Région wallonne, qu’on le veuille ou non, représentent une part non-négligeable des 8.000.000 d’armes légères qui sont produites dans le monde chaque année. Des quelque 875 millions d’armes légères en circulation dans le monde, 75% sont aux mains de civils ; chiffre venant battre en brèche l’argument fallacieux selon lequel les armes sont toutes produites pour les besoins des forces armées et de police.

Ces quelques chiffres obligent à la tempérance et à la mise en perspective des intérêts économiques, par ailleurs souvent largement surestimés. Ces arguments ne sont quoi qu’il arrive acceptables que s’ils prennent toute la mesure du phénomène : ce que les armes légères causent comme dégâts… après avoir créé de l’emploi : décès, déplacements massifs de population , perpétuation des conflits armés, caducité des accords de paix, répression étatique, violences domestiques, guérillas urbaines, entretien de la pauvreté, etc.

Pour tenter d’assurer cet équilibre entre intérêts économiques et considérations éthiques, le Gouvernement wallon s’est lancé dans une révision de la procédure d’octroi des licences d’exportation d’armes devant amener au vote d’un décret par le Parlement wallon.

Sa dernière mouture, loin d’être remarquable, a au moins le mérite d’encadrer le processus de certaines garanties procédurales auparavant laissées in fine à la seule décision du Ministre compétent. Parmi les différentes procédures proposées, des étapes importantes sont enregistrées dont une place réservée à une « procédure d’accord préalable de la licence d’exportation ». Celle-ci prévoit la possibilité qu’une exportation d’armes vers un certain nombre de pays, ne faisant ni l’objet d’un refus d’office ni d’un accord d’office , soit préalablement soumise à examen par une Commission ad hoc. Cet examen doit se faire – sur base d’un certain nombre de critères légaux contraignants – entre autres en vertu de la position commune européenne sur les exportations d’armements , par ailleurs non rappelée dans la note d’orientation – et concrets portant notamment sur l’identité de l’importateur, la teneur du contrat, le contexte dans lequel celui-ci se place.

Il apparaît pourtant aujourd’hui que ces avancées primordiales pourraient une nouvelle fois passer, au nom des intérêts économiques de la Région, sous les fourches caudines du Gouvernement wallon. Il est à regretter, d’emblée, que cette note d’orientation soit très frileuse en termes de transparence publique et de contrôle démocratique. Au-delà de ce constat, il apparaîtrait que le texte serait attaqué jusque dans la nouvelle classification qu’il opère entre pays « Fast Track » et pays nécessitant un accord préalable. Finalement, il est à craindre que la majeure partie du texte ne fasse l’objet que d’un travail parlementaire a minima et qu’une partie substantielle soit traduite en un simple arrêté du Gouvernement wallon.

Les armes, quel que soit l’adjectif qu’on y appose, sont un objet à tuer. Cette simple et cruelle considération devrait d’elle-même entraîner une prudence et un sens aigu des responsabilités dans le chef des personnes qui octroient des licences d’exportation. Cette prudence s’est révélée aux décideurs quand l’émoi de l’utilisation des armes wallonnes à la répression en Libye a forcé le Gouvernement à revoir sa copie. Les exemples de ce type sont pourtant pléthores, sans souvent faire l’objet d’une attention médiatique particulière.

Nous avons bien-sûr tous comme objectif d’éviter que la liste de ces exemples ne croisse continuellement. Le seul moyen pour ce faire est de se doter d’une loi la plus courageuse possible, où l’ « éthique » et l’économique sont garantis, le deuxième au service du premier.

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