Chaque année à la fin du mois d’avril se déroulent les « Global Days against military spending », semaine au cours de laquelle sont organisées des actions internationales de sensibilisation autour des dépenses militaires mondiales. Cette campagne est systématiquement ouverte par la publication, par le SIPRI (une institution de recherche basée à Stockholm), de son Yearbook annuel sur l’état des dépenses de « défense ».Le rapport du SIPRI met des chiffres sur ce à quoi on pouvait s’attendre vu notamment la guerre en Ukraine ou la montée des tensions avec la Chine : les dépenses militaires mondiales, en 2022, n’avaient jamais autant augmenté depuis 30 ans. 3,7% d’augmentation par rapport à 2021 pour atteindre 2240 milliards de dollars ! C’est 4 fois le PIB total de la Belgique. 45 fois celui de la République Démocratique du Congo… Avant la guerre en Ukraine, le SIPRI nous apprenait déjà que le continent européen était celui où les achats d’armes avaient le plus augmenté au cours de la période 2017-2021. En pleine crise sanitaire. La guerre en Ukraine a donc accéléré une tendance qui s’observait déjà depuis plusieurs années dans nos pays : « les dépenses militaires des États d’Europe centrale et occidentale s’élèvent à 345 milliards de dollars en 2022. En termes réels, les dépenses de ces États (…) sont supérieures de 30% à celles de 2013 », dit le rapport.Dans la semaine qui a suivi l’invasion russe de l’Ukraine, l’Allemagne a annoncé qu’elle allait tendre le plus vite possible à la « norme OTAN », qui oblige les États membres à consacrer 2% de leur PIB à l’armement (l’Allemagne était à 1,3% au moment de cette déclaration). Elle annonce, en parallèle, le déblocage d’un budget extraordinaire de 100 milliards d’euros pour des dépenses de défense. En France, le Président a réévalué sa « loi de programmation militaire » qui voyait déjà, depuis 2017, le budget des armées augmenter d’1,7 milliard chaque année. Ce sera désormais une augmentation de 3 milliards par an. La Russie, de son côté, entend augmenter son budget militaire de 40%.La Belgique n’est pas en reste. Si en 2019, elle consacrait 0,93% de son PIB aux dépenses de « défense », elle a franchi la barre des 1% en pleine crise sanitaire. Le budget militaire était alors à 4,8 milliards. En 2021, le budget de l’armée augmentait encore pour atteindre 5,3 milliards. Dans les semaines après le début de la guerre en Ukraine, la Ministre de la « défense » Ludivine Dedonder annonçait la mise en place d’un nouveau plan d’investissement, le plan « STAR », pourvu d’une enveloppe de 10,2 milliards d’euros… qui viennent donc s’ajouter à la « vision stratégique » du gouvernement de Charles Michel qui avait déjà engagé 9,2 milliards d’investissement dès 2016. En mars 2022, lors d’un sommet extraordinaire de l’OTAN, Alexander De Croo annonça qu’en plus du plan STAR, le gouvernement belge entendait « libérer un milliard d’euros supplémentaire pour le budget de la défense ».Pourtant, le lien ne peut être fait entre l’insécurité ressentie vis-à-vis de l’invasion russe et l’augmentation des budgets militaires. Ces derniers ne produisant leurs effets concrets que dans plusieurs années. À la suite de Déborah Brosteaux, on peut donc constater que : « tout l’emballement qui a suivi l’invasion de la Russie montre avec quelle vitesse et efficacité des affects et réflexes issus d’une longue histoire européenne de la mobilisation guerrière peuvent être réactivés »[1] pour « enfin » refinancer les armées alors qu’elles n’ont cessé de l’être ces dernières années.Cette nouvelle course aux armements est exactement le contraire de ce qui devrait être fait pour viser la stabilité, la sécurité et la paix en Europe. Elle organise l’insécurité et l’instabilité. Elle distancie, polarise et cristallise. Elle est vectrice d’autres conflits futurs.

Samuel Legros

[1] Brosteaux, Déborah, « Les pentes glissantes de la guerre » in, Agir par la culture, février 2023

One thought on “Les dépenses militaires ont retrouvé leurs niveaux de la Guerre froide

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