Aux confins du désert algérien, dans les environs arides de Tindouf, vivent depuis près de cinq décennies des dizaines de milliers de réfugiés sahraouis. Exilés de leur terre natale à la suite du conflit qui oppose le Maroc au Front Polisario, ces femmes, hommes et enfants endurent des conditions de vie extrêmes, dans l’un des environnements les plus inhospitaliers du monde. Mais derrière les chiffres, les tempêtes de sable et les infrastructures fragiles, se dessine un autre visage : celui d’un peuple digne, cultivé, et farouchement attaché à son droit à l’autodétermination. 

Un peuple en exil depuis 1975 

L’histoire sahraouie est celle d’une longue dépossession. Colonie espagnole dès la fin du XIXe siècle, le Sahara occidental devait être décolonisé dans le cadre d’un référendum supervisé par les Nations Unies, dès les années 1960. Mais le départ précipité de l’Espagne en 1975 a laissé place à une occupation militaire du territoire par le Maroc et la Mauritanie, déclenchant une guerre sanglante avec le Front Polisario, représentant du peuple sahraoui. 

Face aux bombardements et à la répression, des milliers de Sahraouis se réfugient alors dans le sud algérien. Depuis, cinq camps de réfugiés y ont vu le jour. Des générations y sont nées, ont grandi, ont étudié, dans l’attente – toujours vaine – d’un règlement politique juste. 

Un territoire fracturé, un mur invisible aux consciences 

Au coeur de ce conflit gelé, un fait demeure méconnu du grand public : le mur des sables, érigé par le Maroc dans les années 1980. Long de 2 700 kilomètres, ce rempart militaire sépare les zones contrôlées par le Maroc de celles administrées par le Front Polisario. Mais au-delà de sa fonction symbolique et stratégique, ce mur est une menace permanente : il est encerclé par 8 à 10 millions de mines antipersonnel, qui continuent de tuer et mutiler des civils, bergers ou enfants, des décennies après leur pose. La terre est ainsi littéralement piégée, rendant tout retour dangereux, voire impossible, pour les populations sahraouies déplacées. 

Une culture debout, malgré tout 

Malgré l’exil, les Sahraouis n’ont jamais cessé de transmettre leur culture, leur langue, et leur mémoire collective. Dans les écoles des camps, on enseigne l’arabe, le hassaniya, l’histoire de la résistance. Les femmes y jouent un rôle central dans la structuration de la société : elles gèrent des coopératives, des écoles, des centres médicaux. La poésie, la musique, la littérature sahraouie y fleurissent, malgré l’absence quasi totale de ressources. 

« L’ignorance, c’est la fin des peuples », nous confiait récemment l’ambassadeur sahraoui, lors de notre mission civile dans les camps. Cette phrase, lourde de sens, résonne comme un avertissement : tant que la communauté internationale fermera les yeux sur la situation au Sahara occidental, c’est tout un peuple qui risque de s’effacer dans l’indifférence. 

Une urgence humanitaire croissante 

Aujourd’hui, la résilience sahraouie est mise à rude épreuve. La réduction drastique de l’aide humanitaire internationale, combinée aux conséquences du changement climatique, menace l’équilibre déjà fragile des camps. Les stocks alimentaires sont insuffisants. L’accès à l’eau, à l’électricité, aux soins, reste précaire. Et l’espoir d’un retour sur la terre natale s’amenuise avec les années et les blocages politiques persistants. 

Depuis la reprise des hostilités en novembre 2020, le cessez-le-feu de 1991 est caduc. Le référendum d’autodétermination n’a jamais été organisé. Pendant ce temps, les réfugiés de Tindouf attendent. En silence. En dignité. Mais dans une souffrance croissante. 

Ne pas détourner le regard 

Le Sahara occidental est l’un des derniers territoires non décolonisés inscrits sur la liste de l’ONU. Le peuple sahraoui, quant à lui, est l’un des plus oubliés. Et pourtant, son combat incarne une lutte universelle : celle d’un peuple pour sa terre, sa liberté, et sa reconnaissance. 

Rappeler leur histoire, écouter leurs voix, soutenir leur droit à une vie digne : c’est aujourd’hui un impératif moral. Car si, comme le disait l’ambassadeur, l’ignorance est la fin des peuples, alors l’attention, elle, peut être le début d’une justice. 

 

Giulia Contes 

Membre de la mission civile 2025 

Co-présidente de la CNAPD 

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